« LES VRAIS HOMMES NE BATTENT PAS LES FEMMES, ILS LES RESPECTENT », AFFIRME BAN KI-MOON À L’OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME
La violence contre les femmes constitue une attaque contre nous tous, contre les fondements de notre civilisation, a déclaré ce matin le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, qui participait à une table ronde de haut niveau sur le thème « Les femmes et les hommes unis pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles », organisée dans le cadre de la Journée internationale de la femme, célébrée le 8 mars de chaque année. L’intervention du Secrétaire général a été suivie d’une discussion sur la manière de mettre fin à l’impunité, à laquelle ont pris part la Vice-Présidente de la Gambie, la Représentante spéciale pour les enfants et les conflits armés, un avocat des droits de l’homme, une spécialiste mexicaine et un syndicaliste. Le Secrétaire général, qui a lui-même lancé l’année dernière la Campagne, « Unissons-nous pour mettre fin aux violences contre les femmes », a souligné que « les vrais hommes ne battent pas les femmes, ils les respectent ». Ils respectent, a-t-il dit, ces femmes qui « tissent les fils de nos sociétés ». Ban ki-moon a dénoncé l’impunité dont jouissent trop souvent les auteurs des violences faites aux femmes et a rappelé qu’à travers le monde, une femme sur cinq subit un viol ou une tentative de viol, et que, dans certains pays, une femme sur trois est battue, contrainte à des relations sexuelles non consenties ou abusée d’une manière ou d’une autre. Le Secrétaire général a relaté une rencontre qu’il a faite à l’hôpital HealAfrica de Goma, lors de sa récente visite en République démocratique du Congo (RDC), avec une femme de 18 ans, violée par quatre soldats après avoir fui son village détruit lors de combats. « Les médecins peuvent panser ses plaies mais peuvent-ils panser son âme »? Le Secrétaire général, qui en a parlé au Président de la RDC et à toutes les personnes qu’il a rencontrées pendant sa visite, a estimé que le fait que 80% de ces violences soient dues à des groupes rebelles ou non contrôlés n’est pas une excuse pour un dirigeant politique. La réalité des conflits aboutit toujours à une situation d’abus sexuels, a affirmé Radhika Coomaraswamy, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés. Après avoir mentionné le témoignage d’une jeune fille de 14 ans forcée à l’esclavage durant le conflit armé au Libéria, elle a dressé une longue liste d’abus commis contre des enfants dans les conflits, et notamment des filles. Elle a cité les cas de filles entraînées à devenir kamikazes; les viols massifs pour terroriser et humilier la communauté rivale; ou encore l’enrôlement forcé des filles. Dans d’autres situations, celles-ci rejoignent d’elles-mêmes les groupes armés pour fuir la violence domestique, rejoindre leur frère ou tout simplement survivre. Le fait que la violence contre les femmes détruit la santé et perpétue la pauvreté, porte atteinte à l’égalité entre les sexes et contribue à la propagation du VIH/sida a été dénoncé tant par le Secrétaire général que par divers intervenants, comme la Vice-Présidente de la République de Gambie, Adja Isatou Njie-Saidy. Elle a ajouté que cette violence compromet l’égalité, le développement et la paix et empêche les femmes et les filles de bénéficier de la croissance économique. Cette violence, a insisté Mme Isatou, est perpétrée au quotidien dans le monde entier et, trop souvent, elle demeure impunie, une impunité tout aussi répandue et tout aussi inacceptable que la violence elle-même. Mme Isatou a également rendu hommage aux organisations de la société civile qui, en Gambie comme ailleurs, s’attachent à mettre en place des mécanismes juridiques pour protéger les droits des femmes et des fillettes. Mais elle a dénoncé le fait que seule la moitié des États Membres de l’ONU luttent effectivement contre la violence domestique. Dans le même sens, Imrana Jalal, avocat des droits de l’homme dans les pays du Pacifique, a précisé que, même s’il y a des lois, les définitions de la violence contre les femmes sont souvent trop limitées. Il ne suffit pas d’avoir une législation pénale, encore faut-il réformer les codes de la famille, a-t-elle affirmé, regrettant des approches législatives souvent trop fragmentaires pour être efficaces. L’impunité s’explique aussi par le fait que la violence contre les femmes a longtemps été considérée comme relevant du domaine privé. Affirmant que cette dichotomie entre sphères privée et publique a été « largement démythifiée », Yakin Ertürk, Rapporteure spéciale sur la violence à l’égard des femmes, a en revanche dénoncé les concessions faites au relativisme, concessions qu’elle a jugées politiques du fait que, a-t-elle affirmé, depuis le 11 septembre 2001, la culture est devenue le nouveau lieu de la contestation politique. Ces concessions compromettent l’application universelle des droits de l’homme, et cette tendance est particulièrement marquée dans les pays du Sud, a-t-elle dénoncé, ajoutant: « Ce qui reste universel, c’est la violation des droits des femmes ». Outre les violences sexuelles domestiques, un des plus graves problèmes rencontrés par les femmes est celui de l’accès aux soins génésiques et à l’information, a estimé, en parlant des femmes d’Amérique latine, María del Rocío García Gaytán, Présidente de l’Institut national des femmes du Mexique. Avec plusieurs panélistes, Mme Gaytan, s’est inquiétée des conséquences de la crise économique et financière sur le sort des femmes. Les femmes, surtout les femmes pauvres, sont les personnes qui ont le plus besoin de politiques sociales. Mme Jalal a dit craindre que les femmes et filles soient « touchées de manière disproportionnée » par la crise. La grande majorité des 53 millions de pauvres supplémentaires, selon les estimations de la Banque mondiale, seront desfemmes et des enfants. La réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) s’en trouvera hypothéquée et la parité des sexes connaîtra de « sérieux revers », a averti l’avocat des droits de l’homme. Elle a en outre prévenu que les disparités croissantes entre riches et pauvres vont exacerber les conflits sociaux. Or, chacun sait que les violences contre les femmes s’aggravent quand les hommes voient leur niveau de vie se dégrader. Il est difficile de calculer le coût de la violence conjugale pour la société, mais les estimations font état, aux États-Unis, de plus de 2 milliards de dollars par an en soins et autres services, a indiqué M. William Lucy, de la Fédération américaine des employés d’États, de comtés et municipaux. Il s’est attardé sur la vulnérabilité des migrantes, des femmes forcées à la prostitution et de celles qui sont harcelées sur leur lieu de travail ou violentées à domicile. Il a précisé que les syndicats américains parlent de plus en plus de ces sujets dans les négociations contractuelles. Il a ensuite insisté sur le rôle que peuvent jouer les syndicats contre la violence, conjugale notamment, ou pour faire mieux comprendre aux supérieurs hiérarchiques comment ils peuvent aider les femmes à sortir de situations abusives. William Lacy a aussi précisé que les syndicats étudient des mesures de rétorsion telles que le boycott de produits d’entreprises qui ne protègent pas les femmes victimes de la violence. Il a appelé les Nations Unies à renforcer l’application des Conventions de l’Organisation international du Travail (OIT) et à en adopter de nouvelles, pour forcer la main aux politiques et mettre définitivement fin au fléau mondial de la violence à l’égard de la femme. Dans le cadre de ces manifestations spéciales pour la Journée internationale de la femme, le Bureau de la Conseillère spéciale pour la parité des sexes et la promotion de la femme du Département des affaires économiques et sociales a organisé une autre table ronde sur le thème « Conditions de travail souples et productivité: des modèles d’activité stratégiques entre les divers secteurs d’activité industrielle et organisations ». De son côté, la Vice-Secrétaire générale a lancé officiellement la base de données du Secrétaire général sur la violence à l’égard des femmes.